Suspension du fonctionnaire en cas de faute grave 

 

22 juillet 2020

Pierre Ladreit de Lacharrière - avocat

 

En cas de faute grave, le fonctionnaire peut être suspendu par l’autorité qui détient pouvoir disciplinaire. La suspension n’est pas une sanction disciplinaire, mais une mesure conservatoire prise dans l’intérêt du service ou de l’agent lui-même. Le conseil de discipline doit être saisi sans délai.

 

La suspension correspond à la « mise à pied conservatoire » que l'employeur peut adopter lorsque l'agissement du salarié la rend indispensable (article L. 1332-3 du code du travail).

 

Qui peut être suspendu ?

 

Les fonctionnaires des trois fonctions publiques (État, collectivités territoriales, fonction publique hospitalière) et les agents contractuels (article 43 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat ; article 39-1 du décret n°91-155 du 6 février 1991 relatif aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière).

 

Aucun texte ne prévoit la suspension pour les agents contarctuels de droit public de la fonction publique territoriale. Il est cependant admis que ces agents peuvent faire l'objet d'une mesure même sans texte (CE, ass., 29 avr. 1994, n°105401, Colombani).

 

Les agents contractuels de droit privé ne sont pas concernés par la suspension de fonctions. Les dispositions du Code du travail leur seront appliquées. 

 

Quelles fautes peuvent justifier la suspension ?

 

Il doit s’agir d’une faute grave (article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires).

 

La faute peut constituer un manquement aux obligations professionnelles ou une infraction de droit commun.

 

On peut citer par exemple un refus d'obéissance, le manquement à l'obligation de réserve, un comportement d'un agent perturbant le bon fonctionnement du service ou portant atteinte à sa réputation, le vol … 

 

Le juge administratif contrôle l’adaptation de la suspension au degré de gravité des faits reprochés à l’intéressé.

 

En principe, on peut rencontrer des hypothèses où les faits reprochés à l’agent sont de nature à justifier une sanction disciplinaire sans, pour autant, qu’une mesure de suspension soit nécessaire. C’est le cas lorsque la faute est assez légère, qu’elle justifie une sanction disciplinaire, mais non l’éviction immédiate du service.

 

Le plus souvent, les annulations de suspension sont prononcées par le juge quand il existe des doutes sérieux sur la réalité même des faits à l’origine de la procédure disciplinaire.

 

Quelle est la durée de la suspension ?

 

La suspension n’a pas vocation à se prolonger. La situation de l’agent doit réglée dans un délai de quatre mois (article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires). 

 

Après l’expiration de la période de quatre mois, l’agent réintègre ses fonctions en l’absence de sanction prononcée. Mais il convient de préciser que la fin de la période de suspension ne signifie pas que l’administration ne peut plus prononcer de sanction dans le cas où la procédure disciplinaire aurait pris du retard.

 

Certains statuts particuliers prévoient des durées de suspension plus longues. Il en va ainsi pour les praticiens hospitaliers qui peuvent être suspendus pour une durée maximale de six mois (article R. 6152-77 du Code de la santé publique).

 

Cependant il peut arriver que le délai de quatre mois soit dépassé lorsque l’intéressé est poursuivi pénalement. Dans ce cas, la suspension est légalement prorogée et l’administration peut prendre un nouvel arrêté de suspension jusqu'à la fin de de la procédure pénale. 

 

Quelle est la procédure applicable ?

 

L'autorité compétente pour prononcer la suspension est l'autorité ayant pouvoir disciplinaire.

 

Il n’y a pas de formalisme dès lors d’une part que la suspension n'est pas une mesure disciplinaire soumise à la procédure disciplinaire et que, d’autre part, il y a souvent urgence à suspendre l’agent. Il s’ensuit que la décision de suspension n'a pas à être précédée de la communication à l'agent de son dossier individuel. 

 

Elle ne fait pas l’objet d’une motivation.

 

Quelles conséquences financières pour l’agent public ?

 

Par dérogation au principe du service fait, l'agent suspendu continue de percevoir son traitement indiciaire, l'indemnité de résidence et le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires.

 

En revanche, l’agent n’a pas droit au versement des primes et indemnités liées à l’exercice effectif des fonctions, telles que la nouvelle bonification indiciaire (NBI).

 

Dans le cas où la suspension est prolongée en du fait de la procédure pénale, l’administration peut, mais ce n’est pas une obligation, procéder à une retenue sur traitement qui ne peut être supérieure à la moitié de la rémunération. L’agent continue, néanmoins, à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille.

 

L'agent aura droit au remboursement des sommes retenues sur son traitement s’il n'est pas condamné pénalement ou sanctionné par l’administration après l’avis du conseil de discipline. 

 

Quelle est la position du fonctionnaire suspendu ?

 

L’agent suspendu est toujours en position d'activité et il demeure soumis aux droits et obligations des fonctionnaires.

 

Il s’ensuit que la suspension est en principe sans effet sur ses droits à avancement

 

L’intéressé a droit aux congés de maladie statutaires et la période est prise en compte pour la constitution des droits à pension de retraite.

 

En l’absence de sanction, l’agent doit-il être réintégré dans ses précédentes fonctions ? 

 

Compte tenu de la nature essentiellement provisoire de la suspension, l’emploi occupé par le fonctionnaire qui en est frappé ne devient pas vacant (Conseil d'Etat, Section, 8 Avril 1994, n° 145780, 146921, Gabolde).

 

Il s’ensuit que, en l’absence de sanction pénale ou disciplinaire, l’agent doit réintégrer son emploi à l’issue de la période de suspension.

 

Quels recours contre la mesure de suspension ?

 

La suspension un acte faisant grief (et non un acte préparatoire et non détachable de la procédure disciplinaire).  Il s'ensuit qu'elle peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif sans attendre l’issue de la procédure disciplinaire.

 

La suspension n'est pas une sanction disciplinaire, ainsi qu'il a été dit plus haut.

 

Toutefois, les litiges relatifs aux mesures de suspension ou aux refus de mettre fin à de telles mesures concernent la discipline au sens des articles R. 811-1 et R. 222-13 du code de justice administrative. Ils sont donc susceptibles d'un appel devant la cour administrative d'appel, et non du seul recours en cassation (CE, 9 déc. 2005, n° 281085, Dominique L.).

 

La suspension peut également faire l’objet d’un référé suspension dans la mesure où elle préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à la situation du requérant et à ses intérêts.

 

En revanche, cette mesure ne constitue pas, par elle-même, une atteinte à une liberté fondamentale et elle ne peut pas faire l’objet du référé liberté prévu à larticle L. 521-2 du code de justice administrative.

 

 

LLA Ladreit de Lacharriere avocats

 

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