La proposition de rectification

Pierre Ladreit de Lacharrière - avocat

2-01-2020

 

Une proposition de rectification est adressée au contribuable si le contrôle effectué dans le cadre d’une procédure contradictoire révèle des insuffisances de taxation. 

 

L’envoi d’une proposition de rectification est prévu par l’article L. 57 du livre des procédures fiscales (LPF) : « L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ».

 

Cet acte de procédure est étape essentielle du contrôle fiscal par les conséquences qu’elle emporte. Aussi la règlementation fiscale et une jurisprudence abondante précisent les règles applicables à la proposition de rectification.

 

La proposition de rectification doit être motivée

 

La proposition de rectification indique pour chaque année et pour chaque impôt (et en matière d'impôt sur le revenu, pour chaque catégorie de revenu), la nature et les motifs des rectifications en droit et en fait, ceci afin de permettre au contribuable de présenter utilement des observations dans le cadre du dialogue contradictoire.

 

Les pénalités doivent également être motivées. Il n'est pas nécessaire que cette motivation figure dans la proposition de rectification. L'article L. 80 D du livre des procédures fiscales exige en effet que cette motivation soit portée à la connaissance du contribuable dans un document ou une décision qui sont adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en laissant un délai de trente jours au contribuable pour présenter ses observations. Cependant, en pratique, la motivation des pénalités sera souvent contenue dans la proposition de rectification.

 

La proposition de rectification indique au contribuable le délai dans lequel celui-ci doit faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de 30 jours à compter de sa réception (article R 57-1 du livre des procédures fiscales).

 

Elle aussi doit mentionner que le contribuable a la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix pour discuter les rectifications proposées ou pour y répondre (article L. 54 B du LPF).

 

Précisons également que : 

 

- l'administration doit indiquer le montant des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications lorsque celles-ci font suite à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP) ou une vérification de comptabilité (article L. 48 du livre des procédures fiscales).

 

- l'administration est tenue informer le contribuable, avant la mise en recouvrement des impositions, de la teneur et de l’origine des renseignements et des documents qu’elle a pu obtenir de la part de tiers, notamment par l'exercice du droit de communication prévus par les articles L. 81 st suivants du livre des procédures fiscales (CE 14 mai 1986 n° 59590 ; CE 3 décembre 1990, n° 103101, SA Antipolia). Souvent, le service en informe information le contribuable au stade de la proposition de rectification.

 

La notification de la proposition de rectification aux personnes physiques 

 

Les personnes mariées et les partenaires d’un PACS sont soumises à une imposition commune pour les revenus dont elles ont la disposition, ainsi que ceux des personnes dont elles ont la charge. Cette imposition est établie au nom de l'époux, précédée de la mention « Monsieur ou Madame » ou au nom des deux partenaires dans le cas d’un PACS (article 6 du CGI). L’impôt sur le revenu constitue une dette dont les époux et les partenaires liés par un PACS sont solidairement redevables en vertu de l’article 1691 bis du CGI.

 

Les enfants à charge sont rattachés au foyer fiscal. Les parents peuvent demander que leurs enfants soient imposés distinctement si ces derniers disposent de revenus distincts tirés de leur propre travail ou d’une fortune indépendante. Ce rattachement au foyer fiscal des parents peut être demandés pour des enfants majeurs jusqu’à l’âge de 21 ans ou jusqu’à l’âge de 25 ans lorsqu’ils poursuivent leurs études. Les enfants infirmes peuvent être rattachés sans condition d’âge.

 

En conséquence, sur le plan procédural, il existe une présomption légale de représentation mutuelle des époux : chacun d’eux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer fiscal. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un d'eux sont opposables de plein droit à l'autre (l'article L. 54 A du LPF).

 

Il existe toutefois un aménagement à cette règle. Lorsque l'un ou l'autre des conjoints exerce une activité professionnelle non salariée (bénéfices agricoles, des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux ou des revenus visés à l'article 62 du CGI), les procédures rectification des déclarations relatives aux revenus provenant de cette activité sont suivies entre l'administration des impôts et l’époux titulaire des revenus.

 

Cette présomption de représentation mutuelle des époux s’applique même si les époux sont divorcés ou qu’ils font l'objet d'une imposition distincte en application du 4 de l’article 6 du CGI (lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit ; lorsqu'étant en instance de séparation de corps ou de divorce, ils ont été autorisés à avoir des résidences séparées ; lorsqu'en cas d'abandon du domicile conjugal par l'un ou l'autre des époux, chacun dispose de revenus distincts), tout au moins en ce qui concerne la période durant laquelle ils font l’objet d’une imposition commune.

 

La présomption peut avoir des conséquences fâcheuses en cas de mésentente des anciens conjoints et que l’un d’eux n’est informé de la mise en recouvrement de l’imposition qu’à la suite des actes de recouvrement qui lui ont été adressés. Dans ce cas, ce conjoint ne peut plus contester l’imposition commune, compte tenu des délais de recours applicables dans le contentieux de l’assiette. 

 

C’est pourquoi, dans une décision Rado (Cons. const. 4 décembre 2015 n° 2015-503 QPC), le Conseil constitutionnel a émis une réserve d’interprétation à l’article L. 54 A du LPF qui impose à l’administration de notifier l’avis de mise en recouvrement à chacun des époux divorcés ou séparés pour les suppléments d’impôt sur le revenu établis à compter de la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel (pour ceux qui ont été émis avant la date de publication de la décision Rado, il faut considérer que le premier acte de recouvrement forcé pour avoir paiement de l’imposition commune est regardé comme un événement rouvrant le délai de réclamation au sens du b) de l’article R . 196-2 du LPF).

 

Mais l’administration n’est pas obligée d’adresser deux propositions de rectifications complètement motivées aux deux anciens conjoints. L’exigence de motivation prévue par l’article L. 57 du LPF est regardée comme étant remplie dès lors que l’un des époux reçoit une proposition de rectification qui se borne à faire référence à la proposition de rectification notifiée à son ex-conjoint (CE 3 octobre 2016 n° 392899).

 

La notification de la proposition de rectification aux personnes morales

 

La proposition de rectification adressée à la société sous sa dénomination sociale avec l’indication de la forme de la société. Elle peut également mentionner le nom du représentant légal.

 

Les sociétés de capitaux sont imposées en leur nom propre. Des propositions de rectification distinctes doivent être adressées aux personnes (associés, dirigeants ou tiers) dont les revenus sont rehaussés à la suite de la proposition de rectification adressée à la société.

 

Pour les sociétés de personnes, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même (article L. 53 du LPF), même si les bénéfices de la société de personnes sont imposés entre les mains des associés, pour la fraction correspondant aux droits de chacun d'eux (article 8 du CGI). 

 

Une proposition de rectification est donc adressée à la société correspondant aux bénéfices sociaux. Une proposition est également adressée à chaque associé pour les conséquences sur son imposition personnelle de la vérification de la société et correspondant à sa quote-part dans les résultats de la société.

 

Il n’est cependant pas nécessaire que la proposition de rectification adressée à la société soit envoyée avant celles destinées aux associés.

 

En cas de redressement judiciaire, la notification est adressée à l'administrateur judiciaire lorsque celui-ci est chargé d'une mission d'administration ou au contribuable dans le cas où l'administrateur est chargé d'une mission de surveillance. 

 

En cas de liquidation judiciaire, la notification est adressée au liquidateur dès lors que le contribuable est dessaisi (le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens ; les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur). Lorsqu'une proposition de rectification a été régulièrement adressée au contribuable avant l'intervention du jugement de liquidation, la procédure fiscale se poursuit avec le liquidateur.

 

Mais la mise en demeure de l’administration fiscale de déposer une déclaration de revenus doit être adressée au contribuable lui-même et non, le cas échéant, au liquidateur désigné dans le cadre de la procédure collective (CE 28-7-2017 n° 398632).

 

Les modalités de notification de la proposition de rectification

 

Les conditions de la notification de la proposition de rectification sont particulièrement importantes (et source de discussion devant les tribunaux) eu égard aux conséquences qui s’attachent à sa réception avant l’expiration délai de prescription (voir infra 4) car elle interrompt la prescription du droit de reprise de l'administration (article L.189 du livre des procédures fiscales).

 

Cette notification est généralement effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception

 

La prescription est interrompue lorsque la lettre recommandée portant notification de redressement a été présentée avant l'expiration du délai de reprise à l'adresse du contribuable, et que le préposé de la poste a déposé une note avisant le destinataire absent que la lettre était à sa disposition au bureau de poste, même si le contribuable n'a retiré le pli qu'après l'expiration du délai de prescription

 

La proposition de rectification peut être remise en main propre au contribuable ou à son représentant légal, à charge pour l’administration de prouver cette notification en faisant signer un avis de réception par le contribuable. 

 

La notification peut aussi être réalisée par voie d’huissier

 

Dans cette dernière hypothèse, l'omission de respecter les prescriptions des articles du code de procédure civile relatives aux formalités exigées de l'huissier ne fait pas échec à l'interruption de la prescription prévue par l'article L. 189 du LPF, sauf si cette omission ne permet pas d'établir la date à laquelle est intervenue cette signification (CE 10e-9e ch. 8-11-2017 n° 401230).

 

Les effets de la proposition de rectification

 

La proposition de rectification fixe les limites de l'imposition à établir à l'issue de la procédure de rectification. Une imposition établie sur une base supérieure au montant du rehaussement proposé est irrégulière à concurrence de la fraction de l'impôt correspondant à la partie excédant le montant résultant de la proposition (mais elle est régulière à concurrence de ce montant).

 

Le service des impôts peut fixer inférieures aux bases notifiées précédemment n'oblige pas celle-ci à procéder à une nouvelle notification.

 

Mais, tant que le délai de reprise n'est pas expiré, l'administration peut rectifier les omissions et erreurs commises dans les propositions de rectifications ou changer les motifs de ces rectifications. Il adressera une nouvelle proposition qui se substituera à la proposition de rectification initiale.

 

Elle est tenue d’adresser une nouvelle proposition de rectification lorsqu'elle procède à une substitution de base légale. Mais elle n’est pas tenue de le faire lorsqu’elle procède à une substitution de motifs

 

La notification d'une proposition de rectification a également pour effet d’interrompre la prescription (article L 189 du LPF).

 

Enfin, elle ouvre un délai de réponse de trente jours au contribuable.

 

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