Le délai raisonnable en contentieux fiscal

Le contribuable doit former sa réclamation dans un délai raisonnable, même si l'avis d'imposition ou de mise en recouvrement ne comporte pas l'indication des délais et voies de recours.

 

1) Conséquence de l’absence de mention des voies et délais de recours

Selon les dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, reprises à l'article L. 412-3 du code des relations entre le public et l'administration : « les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ».

 

Par conséquent, aucun délai n’est opposable pour former un recours administratif préalable lorsque les voies et délais de recours n'ont pas été indiqués dans la notification de la décision ou que la notification n'a pas été régulièrement accomplie. Il en va de même lorsque la décision n’indique pas l’obligation de présenter un recours administratif lorsque celui-ci est obligatoire avant de saisir le juge.

 

Cette règle s'applique également en matière fiscale : l’absence d’indication des voies et délais de recours contentieux rend les délais inopposables au contribuable tant en contentieux de l’assiette qu’en contentieux du recouvrement (CE 25 mai 2007 n° 285747, Maucolin : RJF 10/07 n° 1167).

 

Voir : recours devant le tribunal administratif

 

2) délai raisonnable des recours en contentieux administratif

Arrêt de principe : CE 13 juillet 2016,  Assemblée, n° 387763, Czabaj.

 

Le principe de sécurité juridique fait obstacle à ce qu’une décision administrative individuelle notifiée à son destinataire, ou dont il a connaissance, puisse être contestée indéfiniment : le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable.

 

Sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 

3) Application de la notion de délai raisonnable en contentieux fiscal

Par une décision du 31 mars 2017 (req. n° 389842), le Conseil d’Etat a étendu la solution posée par l’arrêt Czabaj à la réclamation préalable en matière fiscale :

 

a) Dans le contentieux de l’assiette, le délai d’un an s’ajoute au délai dont dispose le contribuable pour contester l’impôt. Ces délais varient suivant les impôts :

 

  • Pour les impôts autres que les impôts locaux, la réclamation est recevable au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant la mise en recouvrement du rôle (article R. 196-1 du livre des procédures fiscales).  

 

  • Pour les impôts locaux, la réclamation doit être présentée à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant la mise en recouvrement du rôle (article R. 196-2 du livre des procédures fiscales).

 

  • Pour les autres taxes qui ne sont pas régies par le livre des procédures fiscales, la réclamation doit être adressée à la personne morale qui a établi la taxe au plus tard le 31 décembre de l'année qui suit celle de la réception par le contribuable du titre d'imposition ou d'un extrait de ce titre, à moins qu’un texte spécial ne définisse un délai propre à cette contestation.

 

Voir : réclamation contentieuse

 

b) Dans le contentieux du recouvrement de l'impôt, les délais de recours sont plus courts : la réclamation préalable doit être adressée dans les deux mois à compter de la notification de l'acte de poursuite (articles L. 281 et R. 281-3-1 du livre des procédures fiscales).

 

Le décompte de ce délai est différent de celui applicable dans le contentieux de l’assiette.

 

En effet, en cas de notification d'un acte de poursuite dépourvue des mentions prévues à l'article R. 421-5 du code de justice administrative ou d'absence de preuve de cette notification, le délai d’un an ne s’ajoute pas au délai de deux mois. Le contribuable dispose en effet d'un délai qui, sauf circonstances particulières, ne saurait excéder un an à compter de la notification de l’acte de recouvrement.

 

c) Dans les deux cas, le délai raisonnable commence à courir à la date de la notification de la décision ou, à défaut d'une telle notification, à la date à laquelle il est établi que son destinataire en a eu connaissance.

 

Toutefois, la décision du 31 mars 2017 ne remet pas en cause la jurisprudence Mauline (CE sect. 13-3-1998 n° 120079) selon laquelle l’exercice d’un recours administratif contre la décision ne rend pas les délais de recours contentieux opposables au requérant au motif qu’il en a nécessairement eu connaissance.

4) Le cas de la décision implicite de rejet de la réclamation

La solution dégagée par le Conseil d’Etat ne remet pas non plus en cause la règle, dégagée récemment par l’arrêt Cortansa (CE 9-12-2016 n° 384309), selon laquelle aucun délai n’est opposable au  contribuable pour saisir le juge en cas de décision implicite de rejet de la réclamation.

 

Pour une confirmation récente de l'absence de délai pour saisir le juge d'une décision implicite de rejet de la réclamation en contentieux fiscal : CE 8 février 2019 n° 406555, SARL Nick Danese Applied Research

 

Sur ce sujet voir : décision implicite de rejet de la réclamation et délai de recours contentieux

5) Une ou plusieurs réclamations ?

Enfin, il reste admis en contentieux fiscal que que le contribuable puisse former plusieurs réclamations préalables dans le délai de réclamation, même dans les cas où le juge a déjà rejeté son recours contre une première réclamation ou qu’il a omis de saisir le juge dans les délais à la suite du rejet d’une première réclamation. 


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