Pierre Ladreit de Lacharriere - avocat
mise à jour : 02/06/2020
Depuis le 1er janvier 2018, un prélèvement forfaitaire unique (PFU) dit « flat tax » s’applique aux revenus du capital : revenus de capitaux mobiliers – distributions régulières (dividendes) ou irrégulières de bénéfices, intérêts et revenus assimilés - et les plus-values de cession de valeurs mobilières.
Le taux global du PFU est de 30 %, comprenant 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux.
Toutefois, les revenus de certains produits d’épargne ne sont pas soumis au PFU.
Il s’agit notamment des produits d’épargne réglementée : Livret A, Livret d’épargne populaire LEP, Livret jeune, Livret de développement durable et solidaire LDDS, les produits des PEL de moins de 12 ans et des CEL ouverts avant le 1erjanvier 2018 (mais non ceux ouverts à une date postérieure). Le régime d’exonération des produits et gains constatés dans le cadre d’un PEA ou PEA-PME de plus de 5 ans n’est pas remis en cause, pas plus que celui applicable aux revenus et gains bénéficiant du régime fiscal des « impatriés ».
Le PFU ne s’applique pas aux revenus pris en compte pour la détermination du bénéfice imposable d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole ou d'une profession non commerciale
Cette réforme de la fiscalité de l'épargne vise à alléger la fiscalité de l'épargne qui atteignait 60,5 % (45 % au titre de l’impôt sur le revenu, auquel s’ajoutait 15,5 % au titre des contributions sociales), et même 64,5 % pour les contribuables soumis à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, alors que le taux d’imposition avoisine en général 30 % dans les autres pays européens.
Les foyers fiscaux les plus aisés resteront cependant soumis à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus dont le taux s’élève à 3 ou 4% selon le montant du revenu fiscal de référence du foyer, ce qui porte l’imposition totale à 34%.
Autre précision importante : les contribuables peuvent opter pour l'imposition selon le barème progressif de l'impôt sur le revenu. Cette option est globale et irrévocable et concerne l'ensemble des revenus mobiliers et plus-values sur valeurs mobilières et droits sociaux de l'année (voir infra 4).
Le prélèvement intervient au moment du versement des revenus (dividendes ; intérêts ; produits de placement à revenu fixe : obligations, créances, dépôts, cautionnements, titres de créances négociables, bons de caisse, comptes courants ; sommes réparties par les fonds communs de placement et les revenus d’actifs mobiliers des fonds de placement immobilier ; jetons de présence et autres rémunérations alloués aux membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance des sociétés anonymes ; produits résultant de la première cession d'usufruit temporaire qui se rattachent à la catégorie des revenus mobiliers).
L’imposition s’opère en deux temps.
Les revenus de placements font l’objet d’un prélèvement forfaitaire non libératoire (PFNL) de 12,8 % l’année de leur versement. Le PFNL est opéré lors du versement par l'établissement payeur des revenus au moment leur versement.
Le PFU est ensuite liquidé dans le cadre de la déclaration de revenus déposée l'année suivante, au titre de l'année du paiement des revenus. Le prélèvement forfaitaire non libératoire acquitté l'année du paiement est imputable sur l'impôt sur le revenu dû au vu de cette déclaration et, en cas d'excédent, restituable.
En pratique, le montant brut des revenus sera mentionné dans les cases correspondant à la nature du revenu et dans la case « revenus déjà soumis aux prélèvements sociaux sans CSG déductible » de la déclaration de revenus 2018. L’acompte de 12,8 % est indiqué dans la case « crédit d’impôt égal au prélèvement forfaitaire non libératoire effectué en 2018 ».
Contrairement aux revenus mobiliers, le PFU est effectué au moment de l’imposition annuelle des revenus.
Le PFU est assis sur le montant des plus-values réalisées lors de la vente des titres dans le cadre de la gestion du patrimoine privé, après imputation des pertes. Les éventuelles moins-values sont déductibles des plus-values de l’année et imputables sur les plus-values des 10 années suivantes.
Les abattements proportionnels pour durée de détention sur les plus-values de cession de titres acquis avant le 1er janvier 2018 ne sont pas applicables (sauf option pour le barème progressif).
La CSG n'est pas déductible.
Remarque sur l’abattement fixe de 500 000 euros pour les dirigeants partant à la retraite :
Cet abattement est maintenu quel que soit les modalités d'imposition (prélèvement forfaitaire unique ou barème).
L'abattement prévu pour les dirigeants partant à la retraite est applicable aux cessions société de titres détenus dans une holding animatrice, définie, comme celle qui a pour activité principale, outre la gestion d'un portefeuille de participations, la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers (CE, plén. fisc., 13 juin 2018, n° 395495, 399121, 399122 et 399124, Launay et a.).
Le bénéfice de l'abattement du dirigeant est subordonné à la double condition que le cédant cesse toute fonction dans la société dont il cède les titres et qu'il fasse valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession.
Pour tenir compte de la jurisprudence du Conseil d'Etat (CE 10e-9e ch. 16-10-2019 n° 417364), la doctrine administrative
admet que, dans l'hypothèse où le départ à la retraite et la cessation des fonctions interviennent l'un avant la cession et l'autre après, il ne doit pas s'écouler un délai supérieur à
quarante-huit mois (et non plus vingt-quatre mois) entre les deux événements. Ainsi, le délai de deux ans prévu par le c du 2° du II de l'article 150-0 D ter du CGI s'entend comme
un délai pouvant aller de deux ans avant à deux ans après la cession (BOI-RPPM-PVBMI du 20-12-2019, n° 280).
Le régime fiscal des produits attachés à des sommes versées jusqu’au 26 septembre 2017 n’est pas modifié par le PFU : les revenus et les gains correspondant aux produits des primes versées avant cette date continueront à faire l’objet du prélèvement libératoire représentatif de l’impôt sur le revenu au taux de 7,5%, 15% ou 35% (selon la durée du contrat) où à être imposés en application des règles du barème progressif.
Le PFU s’applique à l’assurance vie en cas de rachat partiel ou total effectué par l’assuré sur les gains afférents aux versements effectués depuis le 27 septembre 2017.
Comme pour les autres revenus de capitaux mobiliers, l'imposition se fait en deux temps.
Un prélèvement forfaitaire non libératoire est effectué lors du versement des produits. Ce prélèvement est de 12,8% sur les produits des contrats de moins de 8 ans et de 7,5% sur les produits des contrats de plus de 8 ans.
L'imposition définitive est effectuée l'année suivante lors de la déclaration de revenus au taux forfaitaire de 12,8% pour un contrat de moins de 8 ans.
Pour les contrats d'une durée d'au moins 8 ans, le taux est de 7,5%pour les produits correspondant à des versements allant jusqu’à 150 000 € et 12,8% pour les produits correspondant à des versements excédant le seuil de 150 000€.
A cette taxation forfaitaire s’ajoute également les prélèvements sociaux à hauteur de 17,2 %.
En cas de rachat après 8 ans, les produits des contrats d'assurance-vie et des contrats de capitalisation bénéficient toujours d'un abattement de 4 600 € pour une personne seule et 9 200 € pour un couple marié ou lié par un Pacs soumis à une imposition commune. Cet abattement ne s'applique pas aux prélèvements sociaux.
L’option pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu s'exerce au moment du dépôt de la déclaration de revenus et elle vaut pour l’ensemble des revenus et gains mobiliers entrant dans le champ du PFU (ligne 2OP de la déclaration d'impôt sur le revenu).
Voir : barème progressif de l'impôt sur le revenu.
Cette option est en principe expresse et irrévocable. Mais l'administration admet, dans le cadre du droit à l'erreur, que les contribuables qui n'ont pas opté pour l'imposition au barème au moment de leur déclaration de revenus, peuvent le faire en formulant une demande à leur service ou depuis leur espace sécurisé sur impots.gouv.fr. (Rép. Rabault : AN 25-2-2020 n° 24560).
Cette option est réservée aux contibuables domiciliés fiscalement en France (les personnes physiques qui ne sont pas domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts ne sont pas soumis ; en application de Article 244 bis B du CGI, les gains résultant de la cession ou du rachat de droits sociaux qu'ils réalisent sont soumis à un prélèvement forfaitaire libératoire de l'impôt sur le revenu au taux de droit commun de 12,8 %).
L’option pour le barème progressif a pour conséquences que :
a) les plus-values bénéficient d'un abattement proportionnel pour durée de détention lorsqu'elles portent sur des parts ou des actions acquises ou souscrites avant le 1er janvier 2018 et détenues depuis au moins deux ans.
L’abattement de droit commun est de 50 % du montant de la plus-value réalisée ou de la distribution perçue lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins 2 ans et moins de 8 ans à la date de la cession ou de la distribution. Il est de 65 % lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins 8 ans.
Un abattement renforcé de 85 % après 8 ans de détention pour les titres de « PME de moins de 10 ans ».
L’abattement ne joue que pour le calcul de la plus-value soumise à l'impôt sur le revenu mais pas pour les prélèvements sociaux.
b) une quote-part de CSG (6,8 %) devient déductible du revenu imposable de l'année de son paiement.
c) Il est possible de déduire les droits de garde pour leur montant réel et justifié.
Pour les intérêts, les personnes non imposables ont certainement intérêt à choisir le barème progressif. Mais le taux du PFU de 12,8% devient plus avantageux au-delà la somme de 9.807 euros de revenu imposable dès lors que la première tranche du barème progressif est 14%, soit 13,05% en tenant compte de la fraction de CSG déductible.
Pour les dividendes, l’option pour l’imposition au barème est encore intéressante pour les contribuables soumis à la première tranche du barème progressif (14%) du fait de la déductibilité partielle de la CSG, de l’abattement de 40% et de la déduction des frais de garde. L’imposition au barème cesse en principe d’être favorable s’ils relevaient intégralement des tranches supérieures (à partir du taux de 30%).
L’option pour le barème pourra être plus favorable pour les plus-values car elles pourront bénéficier d’un abattement pour durée de détention au taux de 50%, 65% ou 85% si les titres ont été souscrits ou acquis avant 2018. Ainsi, en cas d’imposition dans la tranche relevant du taux maximum de 45%, mais avec le bénéfice d’un taux d’abattement pour durée de détention de 85% (cession de titres souscrits ou acquis dans une PME de moins de 10 ans), l’impôt sur le revenu définitif atteint au maximum 6,75% (sans tenir compte de la déductibilité partielle de la CSG qui peut réduire l’impôt sur le revenu à payer l’année suivante), à comparer avec les 12,8% prévus dans le cadre du PFU.
On voit ainsi que la réforme, destinée à simplifier l’imposition, est en réalité complexe. Les contribuables pourront avoir intérêt à se livrer à des simulations pour savoir s’ils doivent opter pour le barème progressif.
LLA Ladreit de Lacharriere avocats
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