Le référé liberté permet d'obtenir, dans un délai de 48 heures, l’arrêt de l'exécution d'une décision administrative lorsqu’une décision porte atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
Cette procédure d'urgence a été créée par la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative aux référés devant les juridictions administratives (article L. 521-2 du code de justice administrative).
La procédure suivie devant le tribunal est assez proche de celle du référé-suspension (article L. 521-1 du code de justice administrative).
Le référé est porté que devant la juridiction compétente en premier ressort (tribunal administratif), même dans le cas où une autre instance liée est soumise à un autre juge (cour administrative d’appel, Conseil d’Etat).
Le tribunal administratif compétent est celui qui a compétence pour examiner le recours en annulation ou dirigé contre un agissement de l’administration (ex. : manque d'entretien des cellules pénitentiaires, voie de fait…).
Le requérant ne doit pas se tromper dans le choix du tribunal territorialement compétent.
En effet, l'article R. 522-8-1 du code de justice administrative déroge aux règles qui régissent les conflits de compétence au sein de la juridiction administrative prévues par les dispositions des articles R. 351-1 et suivants du CJA: le juge des référés rejette par ordonnance les conclusions incompétemment et il n'a pas l'obligation de transmettre au juge administratif compétent.
Sur la compétence territoriale des tribunaux administratifs, voir : recours devant le tribunal administratif, point 5.
Il n’est pas nécessaire d’être représenté par un d'avocat.
La requête doit mentionner expressément les dispositions de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative sur la première page (une rubrique « référé » est prévue dans l’application télérecours).
La demande est irrecevable si le requérant n’a pas contesté la décision administrative dans le délai du recours contentieux : le référé-liberté ne peut pas servir à « rattraper » une requête tardive en contestant les mesures qu’implique son exécution.
Précision : Il n’est pas possible de présenter des conclusions en référé-liberté et en référé-suspension dans une même requête.
En effet, le juge déféré ne statue pas dans une même décision sur des conclusions en référé-liberté et des conclusions en référé-suspension dans la mesure où ces deux recours sont présentés, instruits, jugées et, le cas échéant, susceptibles de recours selon des règles distinctes (délai de 48 heures pour statuer sur une demande de référé-liberté, appel possible contre une ordonnance de référé-liberté alors qu'une ordonnance de référé-suspension ne peut faire l'objet que d'un recours en cassation…)
Lorsque les deux types de conclusions sont néanmoins présentées dans une même requête, pratique qui avait été initialement admise, le juge déterminera la portée conclusions de la requête et rejettera les conclusions subsidiaires. L’ensemble de la requête est rejeté pour irrecevabilité lorsque le juge des référés n’est pas en mesure de déterminer s’il est saisi à titre principal sur le fondement de l’un ou de l’autre des articles L. 521-1 et L. 521-2.
Les personnes moralesdoivent justifier de leur qualité et de leur intérêt à agir par la production de l'acte habilitant le mandataire de la personne morale à la représenter devant le juge.
Par dérogation aux règles gouvernant la capacité pour agir en justice, un référé-liberté peut être formé par un mineur lorsque celui-ci se trouve dans une situation particulière justifiant le prononcé d'une mesure de sauvegarde (cas d’un mineur étranger isolé : CE, 12 mars 2014, n° 375956).
L'intervention est admise devant le juge des référés sans que l'intervenant ne puisse en principe présenter de conclusions distinctes de celles des parties.
Comme en matière de référé-suspension, le juge a la possibilité la possibilité, par une ordonnance motivée, d'éliminer les requêtes entachées d'une “irrecevabilité manifeste” (procédure de « tri » prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative).
1) La décision doit être de nature à porter atteinte à une liberté fondamentale
Les libertés fondamentales peuvent trouver leur source dans la Constitution, dans les conventions internationales (CEDH, convention de New-York sur les droits de l’enfant), ou être fondée sur la loi (ex. : code civil pour le droit de se marier).
Parmi les libertés fondamentales, on peut citer :
- liberté d’aller et venir (ex. : assignation à résidence sous le régime de l'état d'urgence)
- droit à ne pas être soumis à un traitement inhumain ou dégradant (prisonnier placé à l'isolement : CE, 26 avr. 2019, n° 429686 ; CE 13 juin 2019, n° 431126)
- liberté d’expression
- liberté de conscience
- liberté d’opinion
- liberté d’association
- droit à la scolarisation d’un enfant handicapé
- droit de grève, liberté syndicale, liberté de manifestation
- liberté de se marier
- consentement libre et éclairé du patient aux soins médicaux
- droit d’asile et droit de demander le statut de réfugié
- libertés économiques et sociales : liberté du commerce et d’industrie, liberté d’entreprendre, libre exercice d’une profession
- libertés de circulation que « l’ordre juridique de l’Union européenne attache au statut de citoyen de l’Union »
- droit de propriété (des personnes privées, des personnes publiques)
- libre accès des riverains à la voie publique
- égalité des usagers devant le service public et continuité du service public
- secret des correspondances
- liberté de culte
- droit à une vie familiale normale
- droits de la défense, droit à un recours effectif
- droit à compensation des conséquences d’un handicap
- droit à l’hébergement d’urgence
- droit à la vie
Il appartient cependant à l’autorité administrative d’assurer la préservation de l’ordre public et sa conciliation avec les libertés fondamentales. Ainsi, la circulation et le stationnement des supporters d’un club de football peut être interdite en cas de risques d’atteinte grave à l’ordre public (CE, 10 févr. 2015, n° 387835 et 387836, Assoc. de lutte pour un football populaire c/ Assoc. Magic Fans 1991).
2) L’atteinte à la liberté fondamentale est une atteinte grave et manifestement illégale
Ces deux conditions sont cumulatives.
- L’atteinte doit être grave
Une illégalité externe (vice de forme, par exemple le défaut de motivation ou de visas dans une décision, ou un vice de procédure) ne constitue pas une irrégularité grave.
Il arrive que l’atteinte ne soit pas regardée comme suffisamment grave. Ainsi, une simple gêne dans l’exercice du droit d’accès d’un riverain à la voie publique n’est pas regardée comme une atteinte grave au droit de propriété dès lors que ce riverain n’est pas privé de tout accès (CE, juge des réf., 3 mars 2011, n° 347061).
Il est des types de décisions où la gravité de l’atteinte à une liberté fondamentale est, au contraire, reconnue en principe : expulsion d’un étranger, décision d’hospitalisation d’office…
- l’illégalité doit être manifeste
Cette condition est plus rigoureuse que celle du « moyen propre à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée » exigée dans le cadre du référé-suspension. Il faut que cette illégalité soit grossière et pour ainsi dire incontestable.
3) Il doit y avoir urgence à suspendre
Selon l’expression employée par la jurisprudence, l'urgence est reconnue « lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ».
Le requérant doit justifier de cette urgence et qu'une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doit être prise dans les 48 heures. L’urgence ne doit pas être imputable au requérant qui demande tardivement la suspension d'une décision.
Les parties sont convoquées, par tous moyens, à une audience lorsque la requête est recevable et qu’elle est susceptible d'être bien fondée (article L. 522-3 du code de justice administrative).
La formation de jugement est normalement composée d’un juge du référé unique.
Toutefois, l'affaire peut être jugée par une formation composée de trois juges des référés lorsque sa nature le justifie (article L.511-2 du code de justice administrative).
La procédure est contradictoire : la requête est communiquée au défendeur. Mais compte tenu de l’urgence, la majeure partie du débat contradictoire se déroulera à l’audience.
L'instruction est close à l’issue de l’audience, sauf si le juge décide de prolonger celle-ci pour permettre la production de documents.
Le rapporteur public n’intervient pas dans la procédure du référé-liberté, comme dans les autres référés d’urgence, sauf si l’affaire est renvoyée en audience collégiale.
Sur le déroulement de l’audience, voir : L'audience devant le juge administratif.
La décision intervient en principe dans les 48 heures de la saisine. Il est cependant admis que ce délai soit dépassé notamment lorsqu’une mesure d’expertise est nécessaire.
Le juge des référés peut prescrire "toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale" : il ordonnera à l’administration de prendre toute mesure de nature à faire cesser l’atteinte à la liberté fondamentale : suspension d’une décision, injonction de faire.
Toutefois, ses décisions présentent un caractère provisoire. Le juge du référé-liberté ne peut en principe rendre une décision qui produirait des effets identiques à l'annulation d'une décision administrative.
a) Modification de la décision par le juge du référé
Dès lors que ses décisions n'ont pas un caractère définitif, le juge du référé peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin (article L. 521-4 du code de justice administrative).
Ainsi, toute personne intéressée peut saisir le juge des référés afin qu'il modifie ou supprime les mesures qu'il avait ordonnées.
b) Appel
L'appel de l'ordonnance de référé-liberté rendue par le tribunal administratif est portée devant le Conseil d'État.
Le délai d’appel est de 15 jours suivants la notification de l'ordonnance.
c) Cassation
Les ordonnances de tri relèvent du contrôle de cassation (article L. 523-1, al. 1er, du code de justice administrative).
Voir aussi :
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